S’il est une mouvance qui a consommé sa débâcle, c’est la mouvance islamiste. Mais entendons-nous bien, il s’agit seulement de la mouvance «ikhwan», dont tous les partis politiques en sont issus.
Cette débâcle est d’autant plus amère qu’elle concerne les six ou sept partis islamistes en lice. Les deux alliances contractées, à savoir le MSP et le Front du changement, qui s’est fondu dans le premier, et Al Adala-Bina-Ennahda, n’auront servi à rien, sinon à démontrer que le recul des islamistes est consacré et est devenu une débâcle qui ne porte pas de nom. Sur sa page Facebook, Mokri tente de trouver les motifs de ce recul et égrène des causes externes et internes. Pour lui, il y a d’abord, une volonté de restreindre le champ d’action des islamistes au niveau planétaire, et les islamistes algériens subissent les contrecoups de ce «bornage politique». Ensuite, pour Mokri, l’anarchie et le peu de clairvoyance qui a caractérisé les chefs islamistes explique en partie le recul de la mouvance islamiste. Ce cadre général évoqué par Mokri n’explique en fait rien du tout de concret, car il y a le fractionnement du MSP, qui a donné naissance à cette flopée de partis tous, sans exception pur jus Mahfoud Nahnah, puis avec ce recul dans l’audimat, le discours du MSP ne portant pas plus loin que ses propres partisans.
Il y a aussi cette vérité qui consiste à croire que la mouvance «ikhwan» reste minoritaire par rapport à la mouvance salafiste. Les deux camps le savent parfaitement, mais il y a en sous-sol un jeu de dupes entre eux. La mouvance salafiste, exclue de toute élection pour les motifs que l’on sait, est souvent courtisée par les chefs «ikhwan» en contrepartie de concessions politiques en leur faveur, mais ceux-ci ne voyant rien de concret venir, à la dernière minute, ne marchent pas avec les partis légaux. Aucun des chefs de partis en lice ne peut contester cette évidence, et il n’est qu’à demander à ceux qui sont proches des chefs pour s’en convaincre. Menasra a démenti en bloc tout recul du parti, égrenant les motifs de sa « satisfaction », comme l’avancée concernant les sièges gagnés tant aux APC qu’aux APW par rapport à 2012. Mais il s’agit là aussi d’un argumentaire en trompe-l’œil. Car, après les bons résultats des législatives du 4 mai dernier, le MSP s’est posé en champion de l’opposition politique et Mokri s’est affiché dans l’accoutrement d’un chef incontesté et incontestable de l’opposition politique, et avait promis de devenir la force politique et de proposition n°1 en Algérie.
En cédant son siège de patron à Menasra, il a joué au défi, mais semble aujourd’hui s’en mordre les doigts, et Menasra encore plus, car non seulement les promesses n’ont pas été tenues, mais aussi le MSP ne peut plus se réclamer du leadership ni de l’opposition politique, ni même des partis islamistes, tant son score aux locales a été dérisoire. Battu par des partis nouveaux comme le Front Moustakbel, de Belaid Abdelaziz, bon troisième avec 71 sièges, et le MPA de Amara Benyounès, avec 62 sièges, il ne peut même plus prétendre rejoindre la coalition présidentielle qui a été, dans l’intimité des chefs, un des objectifs du parti.
Toutefois, il faut relativiser l’ensemble des données et rester sur une vue d’ensemble dans la durée, car les islamistes, s’appuyant sur les paramètres sociologiques existants, seront toujours là, présents, et les flux ou les reflux enregistrés lors des élections ne sont que les mouvements isochroniques du pendule, autrement dit les conséquences visibles des réactions épidermiques de l’électorat islamiste face à ses représentants, réactions qui tantôt avancent, tantôt refluent suivant des causes très peu visibles politiquement, mais très présentes sociologiquement.
F. O.
Source : lecourrier-dalgerie
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